2010
Tesselles en liberté
vendredi 30 juillet 2010, par
Tesselles en liberté
Pour couvrir sols et murs, les mosaïstes traditionnels alignaient et joignaient les tesselles pour constituer un appareillage ajusté sur toute la surface.
Les artistes d’aujourd’hui dont les œuvres n’ont pas de fonction utilitaire peuvent s’affranchir de cette pratique.
Si certains restent fidèles au tissage serré des tesselles, d’autres leur accordent la liberté. Alors, isolées ou
groupées, les tesselles s’émancipent et s’échappent dans l’œuvre, se mêlant et s’intégrant à d’autres matériaux non
taillés, laissant de larges surfaces dépouillées, travaillées pour soutenir et accueillir les éléments dispersés.
« Tesselles en liberté » présente le travail de 3 artistes confirmés qui ont fait ce choix, Cécile Bouvarel , France
Hogué et Luciano Petris . On ne saurait cependant les confondre. Car de la personnalité et de
la sensibilité de chacun jaillissent des oeuvres au style très marqué.
Cécile Bouvarel
Née en 1959, Cécile Bouvarel a suivi les cours des écoles nationales des Beaux-Arts, d’abord celle de Lyon puis
celle de Paris. C’est là, dans l’atelier Licata, que la mosaïque lui est « révélée », et qu’elle adopte avec enthousiasme
ce nouveau moyen d’expression.
Pour Cécile, tout commence par le plaisir des matériaux. Matériaux d’une diversité extrême qu’elle glane, qu’elle
trie, qu’elle collectionne, avant de les marier subtilement jusqu’à ce que chaque élément, ranimé, ait trouvé sa juste
place dans un tout harmonieux, rayonnant de poésie et de fraîcheur.
Ses oeuvres sont comme autant de petites scènes nous susurrant leur fable au décor séduisant.
Une partie du travail de Cécile Bouvarel s’exerce dans le domaine de l’art sacré, où elle travaille souvent en
collaboration avec le sculpteur Vincent Kressman. Elle partage son temps entre son atelier de Pantin, et celui de St
Sauveur le Vicomte, au coeur du Cotentin.
France Hogué
Née à Dinard en 1945, France Hogué a découvert la mosaïque à l’école nationale des Beaux-Arts de Paris, dans la
classe de Riccardo Licata. Elle enseigne depuis 1985, notamment à l’ADAC (Paris-Ateliers, organisés par la ville de
Paris). Après avoir beaucoup travaillé sur commande, pour le public et le privé, elle privilégie depuis 1986 le travail
personnel et expose régulièrement chaque année.
Le matériau de prédilection de France, c’est le mortier frais, qu’elle travaille inlassablement, par strates
successives, le rendant fluctuant, avant d’y sceller, à la manière d’une pièce rare, une couleur ou de la matière
brute. Ce liant sculpté, avec ses plissements et ses fractures, donne à l’œuvre sa structure. Ses compositions
subtiles traduisent ses émotions face aux événements, mais, violence, tristesse ou compassion, son écriture fine
les revêt toujours de douceur et d’harmonie. France Hogué travaille à Paris mais garde de solides attaches à
Dinard.
Luciano Petris
Né le 24 mars 1951 à Pozzo de Codroipo, dans la province d’Udine (Italie), il est diplômé en 1970 de l’école des
mosaïstes du Frioul. En 1982, il installe son atelier à Codroipo et réalise des mosaïques sur commande, traduisant
en mosaïque les cartons d’artistes de réputation internationale, comme Christian Ludwig Attersee, Anton Lehmden
et Joze Ciuha.
Il réalise également des œuvres personnelles, caractérisées par une sensibilité particulière vis-à-vis de la matière,
par l’utilisation très libre de matériaux hétérogènes, cherchant dans l’irrégularité, combinée avec une coupe très
précise de la tesselle, l’exaltation de la matière elle-même. Matière devenue foisonnante, quasiment organique.
I l en résulte une œuvre puissante, impressionnante, quelquefois menaçante, dont on pressent qu’elle est le fruit
d’une réflexion profonde sur le devenir d’un monde en souffrance.
Bibliomosaico
« Bibliomosaico » rassemble des œuvres en mosaïque sur le thème du livre et de la lecture : les livres d’artistes de neuf jeunes mosaïstes internationaux et les œuvres de Daniele Strada .
Ces livres d’artistes ont été créés pour le festival international de Ravenne en octobre 2009, à la demande de Rosetta Berardi , artiste et éditrice.
Le projet est né de la volonté d’encourager de jeunes artistes mosaïstes à une réflexion sur la forme du livre tout en les mettant à l’épreuve dans la représentation d’un objet « livre » dont la vocation serait d’être regardé et non d’être lu. Un livre « non livre », « livre objet », livre qui malgré la perte du texte acquiert une signification propre en tant
qu’œuvre en devenir permettant à chaque artiste de créer des formes nouvelles.
Le « livre d’artiste » est bien plus qu’un livre : véritable objet d’art, il échappe à toute classification.
Elisa Simoni expose « The book of secret » (le livre du secret), petit livre entièrement recouvert de mosaïque qui
se dévoile dans un angle, laissant entrevoir son âme. Bien que ce soit un livre de pierres, il reste souple au toucher,
comme un livre broché. Mais c’est un livre qui ne peut plus être ouvert.
Takako Hirai présente un livre à lire, « Sotto il pino » (Sous le pin). Une lecture difficile cependant : les lettres
sont gravées sur les côtés des tesselles qui composent la mosaïque. Des tesselles qui rappellent des pages
attendant d’être déchiffrées.
Arianna Gallo propose un grand galet ouvert à la manière d’un livre, « Ciottolibro » (livre-galet). L’écriture est
réalisée en tesselles de plomb martelé et de magnétite. Le ciottolibro peut être fermé, retrouvant ainsi sa forme
originale de galet.
Francesca Gismondi a créé « Nero su bianco » (Noir sur blanc) : un livre en accordéon, à la forme et aux couleurs
harmonieuses, où les pages en aluminium alternent avec celles en mosaïque.
L’œuvre de Luca Barberini représente un crâne réalisé avec des tesselles de livres. Une démarche de type
tautologique qui renvoie au « Libro Mortis » (Livre des Morts), ici représenté avec élégance.
La page d’écriture Braille réalisée en micromosaïque par Âniko Ferreira de Silva est d’une rare beauté et répond
au titre « Toccami » (Touche-moi). De très petites tesselles en calcaire composent une page savamment
monochromatique.
Matylda Tracewska élabore une petite sculpture en micromosaïque nichée à l’intérieur d’un vieux dictionnaire de
grec. Cette composition s’intitule « Mouσεĩov », c’est-à-dire la chambre des Muses ou, plus simplement, Mosaïque.
Le livre d’artiste d’ Armin Grathwohl est en fer rouillé. Il est présenté entrouvert, avec huit pages en mosaïque
pour ses « Storie di un altro tempo » (Histoires d’un autre temps).
Avec cette oeuvre en mosaïque de tesselles et de livres, où l’œil et l’écriture dialoguent par leurs couleurs et leurs
formes, Filippo Bandini nous invite, dans le dialecte de Romagne, à « Star in ócc » (garder les yeux ouverts).
Daniele Strada est né en 1963 à Massa Lombarda, près de Ravenne. Diplômé de l’académie des beaux-arts de Ravenne, il y assure l’enseignement de la mosaïque depuis 1992.
Daniele Strada construit ses œuvres en prenant prétexte d’une photographie, d’un tableau, d’un texte littéraire... Les thèmes abordés et les techniques utilisées lui ont permis de mettre au point une forme de « mosaïque conceptuelle » très ouverte sur le monde contemporain.
Daniele Strada propose aujourd’hui une réflexion autour de notre relation
avec les livres, symboles du savoir. Un texte de l’artiste, parfois énigmatique, accompagne chaque mosaïque. À chacun de savoir entendre le message que Daniele Strada livre à travers ses œuvres.
Une journée de rencontres s’est déroulée le samedi 10 juillet de 10h à 17h, à la bibliothèque municipale, autour des artistes des deux expositions.
La galerie « l’Atelier mosaïque », rue de la Visitation, a également proposé successivement 10 expositions d’une semaine chacune, présentant les créations de mosaïstes.
Avec, dans l’ordre chronologique :Corinne Chaussabel, Dominique Annarelli, Sylvie Foisel et Claudie Morvan, Cécile Castellacci, Anne et Patrick Guallino, Sandrine Farget, Isabelle Paoletti et Mélaine Lanoë, Brigitte Deloge, Ateliers hebdomadaires d’McM, Elisabeth Ragon et Annick Ligonnet